Les infections postopératoires sont la première cause de réhospitalisation aux Etats-Unis. Mais d’ici une demi-douzaine d’années, le phénomène ne sera peut-être plus qu’un mauvais souvenir grâce aux puces électroniques éphémères. Composées de matériaux solubles non toxiques, comme la soie, le magnésium et la silicone, ces puces ultrafines, flexibles et contrôlables à distance seront capables de repérer l’apparition de bactéries le long d’une incision et de les tuer en provoquant une hausse de température localisée de 5 degrés. Au bout de deux semaines, soit le temps nécessaire à la cicatrisation, la puce se dissoudra dans les fluides corporels…

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Marée noire. Cette promesse thérapeutique n’est pas encore réalité, mais elle a été partiellement mise en œuvre et démontrée sur des rats de laboratoires par une équipe multidisciplinaire de chercheurs américains qui vient de présenter son travail dans la revue Science. «On envisage d’être prêts pour les premiers essais sur des sujets humains d’ici deux, trois ans. Ensuite, tout dépendra du processus des tests cliniques imposé par la Food and Drug Administration [agence américaine chargée, entre autres, du processus de contrôle et d’autorisation des nouveaux médicaments, ndlr]», indique John Rogers, ingénieur en chimie physique et nouveaux matériaux, professeur à l’Université de l’Illinois et principal auteur de l’article.

Conduite par une équipe de chercheurs en électronique, biophysique et nouveaux matériaux issus de plusieurs universités (Illinois, Tuft, Northwestern), la recherche est financée par la Defense Advanced Research Projects Agency, l’agence de recherche scientifique militaire américaine. Le projet inclut notamment le développement d’une mini-caméra biodégradable dont les détails sont tenus secrets… Parmi les applications médicales potentielles, l’aide au diagnostic, l’observation ou la dissémination graduelle de médicaments sont autant de cas où l’usage d’un appareil électronique contrôlable à distance est destiné à être temporaire.

La puce biodégradable est conçue et programmée pour disparaître au bout d’une durée prédéterminée (voir la vidéo). «La structure cristalline de la soie, qui fournit le substrat, peut être modifiée pour durer plus ou moins longtemps avant d’être détruite par les fluides», explique John Rogers. Même chose pour le magnésium et le silicium qui constituent les composants électroniques, à condition pour le silicium d’être utilisé en films ultra-fins. Au final, on obtient magnésium et silice, deux ingrédients courant dans les suppléments vitaminés.

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Avant d’être implantées dans le corps, ces puces seront vraisemblablement dispersées dans l’environnement pour transmettre des données sur le climat, ou l’impact de catastrophes naturelles ou humaines. Par exemple, soulignent les chercheurs, en larguant des milliers de ces mini-appareils dans l’océan à la suite d’une marée noire pour observer la progression de la pollution et guider les efforts de nettoyage. La technologie devrait être disponible d’ici trois ans, selon l’avancée du processus de commercialisation et de fabrication.

Culpabilité. Enfin, les consommateurs seront bientôt libérés de toute culpabilité écologique liée à l’accélération du cycle d’innovation des outils de télécommunications : il sera possible de s’équiper tous les dix-huit mois d’un nouveau téléphone mobile en jetant le précédent sur le tas de compost ! «Au début, on se contentera du boîtier,indique John Rogers. Nous avons encore beaucoup de travail devant nous pour développer avec des matériaux biodégradables le type de technologie électronique complexe qui équipe un smartphone.»

Ainsi, les chercheurs vont devoir surmonter les difficultés liées aux propriétés conductrices relativement faibles du magnésium par rapport au cuivre des puces classiques. En revanche, le travail sur la soie réalisé par les chercheurs de l’université Tuft, à Boston, permet déjà d’obtenir un matériau d’aspect comparable à de l’acétate, adapté à la fabrication de boîtiers et écrans.

Dans tous les cas, le principal défi à relever sera la fabrication industrielle des puces. «Le succès de l’industrie des microprocesseurs repose sur la capacité à fabriquer les produits en très larges volumes et à faible coût, rappelle John Rogers. Il va nous falloir étudier comment on peut reconditionner une usine de microprocesseurs pour fabriquer des puces biodégradables. Si on y arrive, l’opportunité commerciale sera énorme.»

[12 novembre 2012, 15h: correction:
Même chose pour le magnésium et la silicone qui constituent les composants électroniques, à condition pour la silicone d’être utilisée en films ultra-fins.
Remplacé par:
Même chose pour le magnésium et le silicium qui constituent les composants électroniques, à condition pour le silicium d’être utilisé en films ultra-fins.]